Richard Coeur-de-Lion, Cathédrale de Rouen, France

Ce monument correspond à la sépulture du cœur de Richard Ier d’Angleterre, l’un des trois lieux de son inhumation. À sa mort en 1199 à Châlus, ses viscères furent enterrés sur place ; son cœur fut transféré à la cathédrale de Rouen ; et le reste de son corps placé aux pieds de son père, Henri II, à l’abbaye de Fontevraud. Cette pratique — réservée aux souverains ou aux grands nobles — répondait à la fois à des nécessités pratiques et au désir de répartir la mémoire et la présence spirituelle du défunt sur des sites dynastiques et politiques majeurs.

L’effigie marquant la tombe du cœur fut perdue pendant des siècles. En 1838, des fouilles menées sous une inscription médiévale dédiée au roi mirent au jour la sculpture d’origine. Taillée dans un seul bloc de calcaire, la figure gisante, d’environ deux mètres, présente plusieurs caractéristiques typiques des effigies royales de la fin du XIIᵉ et du début du XIIIᵉ siècle.

Richard y apparaît en gisant, la tête reposant sur un coussin carré, les pieds soutenus par un lion accroupi — motif emblématique de la vaillance princière et symbole traditionnel de la royauté. Il porte une couronne ornée de pierres sculptées, une tunique longue et une ceinture décorée qui évoquent le costume de cour des Plantagenêts. Le visage — calme, barbu, hiératique — relève de l’idiome sobre et idéalisé de la sculpture funéraire gothique primitive, davantage soucieuse de représenter l’autorité éternelle du souverain que son individualité.
Contexte artistique
Le monument appartient à un moment charnière dans l’évolution de l’art funéraire royal. Vers 1200, les ateliers du nord de la France définissent les grands principes de l’effigie de pierre monumentale : pose frontale et symétrique, draperies schématiques, insistance sur la dignité sacrée du roi. L’effigie de Richard s’inscrit pleinement dans cette tradition et présente des affinités stylistiques avec les célèbres tombeaux des Plantagenêts à Fontevraud, qui partagent des solutions analogues de sculpture, de composition et d’iconographie.
Le lion aux pieds, la tête légèrement relevée et la solennité figée de la figure appartiennent à un style gothique encore naissant : plus naturaliste que les prototypes romans du XIIᵉ siècle, mais pas encore marqué par le modelé plus doux du gothique tardif. Le monument témoigne également du rôle majeur de la cathédrale de Rouen comme centre de patronage plantagenêt, soulignant l’importance politique et ecclésiastique de la ville.
À proximité, le tombeau d’Henri le Jeune — le frère aîné de Richard — complétait autrefois un ensemble dynastique exprimant les ambitions et la représentation théologique de la maison royale.
Réception historique
Pendant cinq siècles après sa mort, Richard jouit d’une réputation quasi mythique, célébré comme le roi anglais par excellence, souvent rapproché d’Alexandre, de Charlemagne ou d’Auguste. Les historiens modernes, plus critiques, l’ont parfois jugé sévèrement, l’un d’eux allant jusqu’à le qualifier de « mauvais fils, mauvais mari et mauvais roi » — jugement qui contraste fortement avec l’image idéalisée et sereine que présente son effigie de pierre. 1
