La chaire de Prato, décorée par Donatello

La chaire de Prato fut commandée par les Operai del Duomo di Prato pour l'angle extérieur de la cathédrale, afin d'y exposer la Sacra Cintola (la Sainte Ceinture de la Vierge Marie), la relique la plus précieuse de Prato. La chaire, en saillie sur la façade et face à la place, permettait de présenter la relique à la foule lors des fêtes. La conception architecturale de la chaire fut en grande partie l'œuvre de Michelozzo, tandis que Donatello sculpta les reliefs en marbre qui ornent la chaire hexagonale.
Les spiritelli de Donatello sur la chaire de Prato comptent parmi les premières et les plus raffinées réinterprétations de motifs classiques dans la sculpture du début de la Renaissance. Leur origine réside dans l'observation attentive par Donatello des sarcophages romains antiques, dont des fragments étaient largement visibles à Florence et à Rome à son époque. Ces sarcophages représentaient souvent des putti, des enfants nus ou légèrement drapés, participant à des processions animées, jouant d'instruments de musique, portant des guirlandes ou assistant à des rites bachiques. Ainsi, les putti symbolisaient la joie de vivre, le cycle éternel de la nature et, dans un contexte funéraire, la promesse de renaissance ou d'immortalité.
Donatello étudia ces reliefs antiques non comme des vestiges archéologiques figés, mais comme des sources vivantes de formes expressives. Il s'imprégna du sens romain du rythme, de la plénitude corporelle et du mouvement des drapés, tout en transformant ces motifs à travers le prisme de la signification chrétienne. Dans les spiritelli de la chaire du Prato, Donatello fait revivre le putto classique, mais le réinterprète comme un esprit chrétien, un messager de joie divine et de vitalité céleste. Le genius loci romain, l'esprit du lieu ou de la vie, devient, sous la main de Donatello, un emblème d'exubérance céleste.

Le choix de décorer la chaire de la Sacra Cintola avec ces enfants dansants était loin d'être une simple fantaisie décorative. La chaire elle-même servait de scène publique à l'exposition de la ceinture de la Vierge Marie, relique que l'on croyait offerte à saint Thomas lors de son Assomption et précieusement conservée à Prato comme gage de fertilité, de protection et d'intercession divine. L'exposition de la relique n'était pas seulement un acte religieux, mais aussi un spectacle civique, attirant les foules les jours de fête. Ainsi, la chaire devait exprimer à la fois la sainteté et la célébration ; elle constituait un seuil entre l'espace sacré de la cathédrale et la vie communautaire de la ville.
Les spiritelli, (petits esprits), incarnent parfaitement ce double rôle. Leur danse exprime la joie de la révélation divine – l'instant où le ciel touche la terre. De même que la ceinture symbolise la présence corporelle de Marie manifestée, les enfants animés de Donatello traduisent l'énergie spirituelle en mouvement physique. Leurs formes entrelacées et leurs drapés fluides suggèrent l'unité et l'harmonie, reflétant l'unité des fidèles rassemblés en contrebas. En ce sens, les spiritelli agissent comme des intermédiaires visuels entre le céleste et le terrestre : ils célèbrent la grâce divine à travers le langage du jeu humain.
Sur un plan théologique plus profond, la transformation du putto antique en spiritelli chrétien reflète la conviction de la Renaissance que l'Antiquité classique pouvait se concilier avec la vérité chrétienne. Les reliefs de Donatello s'imposent ainsi comme un emblème de la synthèse humaniste qui a caractérisé l'art du XVe siècle : le corps comme réceptacle de l'esprit, l'Antiquité comme langage permettant d'exprimer la joie chrétienne.
Ainsi, les spiritelli de la chaire de Prato sont plus que de charmantes ornementations ; ils sont le pendant visuel de la relique qu'ils encadrent. Là où la ceinture de la Vierge symbolise la maternité divine, la pureté et la protection miraculeuse, les enfants dansants de Donatello incarnent la vitalité débordante de ce miracle. Ils donnent une forme sculpturale à l'idée que le ciel se réjouit avec l'humanité, unissant la dévotion sacrée et la célébration humaine dans l'optimisme rayonnant du début de la Renaissance.
