Tympan du portail Marmousets - Saint-Ouen, Rouen

walwyn mer, 12/29/2021 - 18:01
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Le tympan du portail des Marmousets est une sculpture de style gothique tardif ornant le porche des Marmousets, principale entrée piétonne de l'église abbatiale de Saint-Ouen à Rouen, en Normandie. Ce portail de style gothique flamboyant, situé au niveau du transept sud, date d'environ 1430 et a été réalisé par le maître sculpteur Alexandre de Berneval.1  Le tympan, la lunette sculptée au-dessus de la porte, honore principalement la Vierge Marie, mais s'inscrit dans un programme iconographique plus vaste célébrant saint Ouen, évêque de Rouen au VIIe siècle et saint patron de l'abbaye. Le nom du portail vient des petites figures de pierre expressives les marmousets, signifiant petits singes » ou « grotesques, perchées sur les abaques des colonnes des jambages, représentant des créatures fantasques qui contrastent avec la solennité des thèmes religieux.

Le tympan est divisé en registres relatant des épisodes de la vie de la Vierge. Le registre supérieur représente le Couronnement de la Vierge. Les registres inférieurs illustrent les scènes de la Dormition, des funérailles et de l'enterrement, ainsi que de l'Assomption, Une séquence verticale qui guide l'observateur depuis le passage de la Vierge jusqu'à sa glorification céleste. La sculpture est délicate, avec des drapés fluides et des visages expressifs, typiques de la sculpture de l'École de Rouen, privilégiant la grâce et l'émotion à une géométrie rigide. Le récit est condensé dans un relief unifié et peu profond, permettant une lecture claire de l'autre côté de la porte.

 

 

Au sommet du tympan, dans l'espace le plus restreint mais le plus élevé, la Vierge est agenouillée devant le Christ, qui la couronne Reine du Ciel. C'est l'apogée du récit marial : de la mort à la royauté éternelle, en passant par l'élévation divine. Ce récit exprime visuellement le rôle d'intercession de la Vierge et son union ultime avec Dieu. Des anges entourent le trône, jouant des instruments ou portant des parchemins. Ces figures sont intégrées aux archivoltes, leurs formes se fondant dans les ornements gothiques et les motifs végétaux qui encadrent la scène. Globalement, les figures sont plus hiératiques et frontales, la composition étant centrée sur l'acte du couronnement. Les plis des draperies sont élégants et rythmés, soulignant l'ordre et la symétrie divine. L'architecture de l'encadrement, faite de baldaquins et d'arcs ogivaux, marque le royaume céleste. 

L'arc présente une série de petites têtes ou bustes sculptés dans les voussoirs, représentant des saints, des prophètes et d'autres personnages bibliques. Ces sculptures ajoutent profondeur et une richesse narrative à un style gothique flamboyant, caractérisé par une verticalité accentuée, par des draperies détaillées et des figures expressives. La maçonnerie, probablement en calcaire local, présente des traces d'érosion, notamment autour des visages et des mains, ainsi qu'une décoloration et des taches de mousse ou de lichen, mais conserve des traces de la finesse des détails d'origine. Cependant, la composition d'ensemble reste lisible, soulignant l'importance historique et artistique du portail.

 

 

Le registre médian représente l'Assomption de la Vierge, où son corps et son âme montent au ciel, mêlée au « miracle du prêtre hostile touchant le cercueil ». Ce récit, inspiré de récits apocryphes comme le Transitus Mariae (également visible au tympan de la cathédrale de Strasbourg), montre l'attaque d'un sceptique contre le cortège funèbre de la Vierge, son châtiment divin et son repentir. L'ascension de la Vierge est le miracle central, les empreintes de mains et le cercueil porté du côté droit illustrant la rencontre du prêtre hostile avec le cercueil. Ces empreintes symbolisent le châtiment du prêtre hostile, dont les mains ont été tranchées par intervention divine (à Strasbourg, par l'épée d'un ange). Un petit ange plane près du cercueil, les ailes déployées et la main droite pointée vers les empreintes. Le visage de l'ange est érodé, mais son rôle d'agent divin est évident. L'ange, pointant vers le haut les empreintes de mains, désigne également un prêtre repentant agenouillé, les mains coupées, alignant ainsi le récit sur la guérison et le pardon.

Dans la partie inférieure du tympan, la Vierge Marie repose paisiblement sur un cercueil, entourée des Apôtres. Ils se penchent vers elle en signe de deuil et de prière, leurs visages emplis de tristesse et de recueillement. La scène capture un moment de recueillement silencieux plutôt que dramatique, un tendre adieu à la Vierge à la fin de sa vie terrestre. Les plis délicats du drapé et les poses naturelles du sculpteur traduisent une profonde humanité et une compassion profonde.

L'Assomption, croyance médiévale à Saint-Ouen, reflète la dévotion mariale de l'abbaye pendant la guerre de Cent Ans. Le miracle du prêtre hostile, emprunté au tympan de Strasbourg (vers 1230), souligne la sainteté de Marie et la puissance de son ascension, adapté à la piété rouennaise centrée sur les reliques. Les empreintes de mains sur le cercueil symbolisent peut-être une tradition locale ou un rappel aux lieux de pèlerinage, renforçant le rôle sanctuaire du portail, aux côtés des jambages de l'hagiographie de Saint-Ouen.

Lors de la construction du tympan, Rouen était sous domination anglaise, après sa reddition à Henri V en 1419, alors que des milliers de femmes, d'enfants et de vieillards étaient abandonnés à la famine hors des murs de la ville.

Ce tympan a pu être interprété de manières différentes, mais complémentaires, par différents observeurs. Les moines y ont vu une méditation sur la foi et le cheminement de l'âme de la mort à la gloire. Les habitants ont pu trouver réconfort et espoir dans la protection de la Vierge au milieu des épreuves de l'occupation. Les autorités anglaises reconnaissaient la dévotion mariale orthodoxe, tandis que pour les fidèles français des environs, la même imagerie affirmait subtilement la justice divine et le triomphe final de la droiture.